Antonio French, l'opportuniste devenu figure de la mobilisation à Ferguson
Le Monde.fr | • Mis à jour le |Par Gilles Paris (Ferguson (Missouri), envoyé spécial)
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Il est ici, puis là. Parti, revenu. Absent, puis en première ligne. Désormais les centaines de mètres de bitume de l'avenue W. Florissant sur lesquels campent ceux qui réclament que justice soit faite après la mort d'un jeune Noir, tué le 9 août par un policier dans des circonstances controversées, sont son domaine. Comme les lieux du drame, tout près de là, ou encore l'avant-poste installé face au quartier général de la police de Ferguson, près du centre historique de cette banlieue de Saint Louis (Missouri, États-Unis).
Afro-américain, Antonio French est devenu au fil de la semaine une des figures d'un mouvement qui stigmatise l'agressivité de la police vis-à-vis de la populationnoire de la ville alors qu'il n'habite pourtant pas Ferguson. Il vient en effet d'une circonscription de Saint Louis, située à des kilomètres de là, et où il a été élu sous les couleurs du Parti démocrate « alderman », conseiller auprès de la municipalité.
ARRESTATION
Second paradoxe, il doit en bonne partie sa fraîche notoriété aux méthodes policières qu'il ne cesse de dénoncer pour avoir été lui-même arrêté, menotté et emprisonné le soir où la police du comté, venue à la rescousse des policiers locaux dépassés par les événements, avait massivement déployé sur place des hommes en tenue de combat et des véhicules blindés. Un étalage disproportionné de la force, auquel s'étaient ajouté des arrestations abusives, comme celles de deux journalistes, qui avaient décuplé la colère et soulevé une indignation à l'échelle du pays tout entier.
De nombreux traits d'Antonio French, relâché après une nuit passée en prison, épousent en fait ceux du mouvement né du drame du 9 août. Il a été aimanté par cet endroit sans grâce, succession de magasins surgis le long d'une avenue désespérément rectiligne, comme après lui des figures telles Maria Chappelle-Nadal, sénatrice de l'Etat, et les révérends Jesse Jackson et Al Sharpton, qui devait célébrer dimanche un office à Ferguson, pour la deuxième semaine consécutive, ou encore de simples militants comme Kristin Chow, venue de Kansas City, et croisée à la station-service endommagée qui constitue le point de ralliement du mouvement.
L'opportunisme d'Antonio French, sa capacité de s'imposer face à des institutions incertaines, sa science des réseaux sociaux et de leurs effets démultiplicateurs rappellent également l'irruption de Ferguson dans le débat national américain alors que les manifestations de l'avenue W. Florissant, vendredi et samedi, n'ont attiré sur place qu'un public souvent clairsemé. En une semaine, le presque quadragénaire a multiplié par dix le nombre de ses suiveurs sur la plateforme de micro-blogging Twitter pendant qu'il était invité à s'exprimer depuis son avant-poste par la quasi-totalité des chaînes d'informations du pays.
UBIQUITÉ
« Je remplis le vide », répond-il à ceux qui s'étonnent de son ubiquité, conseiller à Saint Louis et porte-parole officieux d'un mouvement né spontanément il y a une semaine. « Il a beaucoup de talents, est terriblement efficace sur les réseaux sociaux, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il a un agenda en tête »,estime, sous couvert d'anonymat, le membre d'une fondation qui travaille régulièrement avec lui.
Un bon connaisseur de la carte électorale du comté exprime ses doutes : « sa circonscription est noyée dans celle du représentant démocrate à la chambre des représentants des États-Unis, Lacy Clay, issu dune véritable dynastie, s'il avait un jour des ambitions fédérales, il n'aurait aucune chance. »
Vendredi soir, au début des pillages, Antonio French (qui n'a pas donné suite à une demande d'entretien avec Le Monde après avoir initialement accepté) twettait pour appeler à l'aide Ron Johnson, un capitaine des patrouilleurs des autoroutes du Missouri devenu dans les faits chef de la police de Ferguson. Le lendemain, il appuyait publiquement la décision d'imposer un cessez-le-feu, face à un groupe d'irréductibles. Un pari sur la capacité du mouvement né le 9 août à sortir de l'opposition frontale et à travailler avec les autorités.
- Gilles Paris (Ferguson (Missouri), envoyé spécial)
Journaliste au Monde
Afro-américain, Antonio French est devenu au fil de la semaine une des figures d'un mouvement qui stigmatise l'agressivité de la police vis-à-vis de la populationnoire de la ville alors qu'il n'habite pourtant pas Ferguson. Il vient en effet d'une circonscription de Saint Louis, située à des kilomètres de là, et où il a été élu sous les couleurs du Parti démocrate « alderman », conseiller auprès de la municipalité.
ARRESTATION
Second paradoxe, il doit en bonne partie sa fraîche notoriété aux méthodes policières qu'il ne cesse de dénoncer pour avoir été lui-même arrêté, menotté et emprisonné le soir où la police du comté, venue à la rescousse des policiers locaux dépassés par les événements, avait massivement déployé sur place des hommes en tenue de combat et des véhicules blindés. Un étalage disproportionné de la force, auquel s'étaient ajouté des arrestations abusives, comme celles de deux journalistes, qui avaient décuplé la colère et soulevé une indignation à l'échelle du pays tout entier.
De nombreux traits d'Antonio French, relâché après une nuit passée en prison, épousent en fait ceux du mouvement né du drame du 9 août. Il a été aimanté par cet endroit sans grâce, succession de magasins surgis le long d'une avenue désespérément rectiligne, comme après lui des figures telles Maria Chappelle-Nadal, sénatrice de l'Etat, et les révérends Jesse Jackson et Al Sharpton, qui devait célébrer dimanche un office à Ferguson, pour la deuxième semaine consécutive, ou encore de simples militants comme Kristin Chow, venue de Kansas City, et croisée à la station-service endommagée qui constitue le point de ralliement du mouvement.
L'opportunisme d'Antonio French, sa capacité de s'imposer face à des institutions incertaines, sa science des réseaux sociaux et de leurs effets démultiplicateurs rappellent également l'irruption de Ferguson dans le débat national américain alors que les manifestations de l'avenue W. Florissant, vendredi et samedi, n'ont attiré sur place qu'un public souvent clairsemé. En une semaine, le presque quadragénaire a multiplié par dix le nombre de ses suiveurs sur la plateforme de micro-blogging Twitter pendant qu'il était invité à s'exprimer depuis son avant-poste par la quasi-totalité des chaînes d'informations du pays.
UBIQUITÉ
« Je remplis le vide », répond-il à ceux qui s'étonnent de son ubiquité, conseiller à Saint Louis et porte-parole officieux d'un mouvement né spontanément il y a une semaine. « Il a beaucoup de talents, est terriblement efficace sur les réseaux sociaux, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il a un agenda en tête »,estime, sous couvert d'anonymat, le membre d'une fondation qui travaille régulièrement avec lui.
Un bon connaisseur de la carte électorale du comté exprime ses doutes : « sa circonscription est noyée dans celle du représentant démocrate à la chambre des représentants des États-Unis, Lacy Clay, issu dune véritable dynastie, s'il avait un jour des ambitions fédérales, il n'aurait aucune chance. »
Vendredi soir, au début des pillages, Antonio French (qui n'a pas donné suite à une demande d'entretien avec Le Monde après avoir initialement accepté) twettait pour appeler à l'aide Ron Johnson, un capitaine des patrouilleurs des autoroutes du Missouri devenu dans les faits chef de la police de Ferguson. Le lendemain, il appuyait publiquement la décision d'imposer un cessez-le-feu, face à un groupe d'irréductibles. Un pari sur la capacité du mouvement né le 9 août à sortir de l'opposition frontale et à travailler avec les autorités.
- Gilles Paris (Ferguson (Missouri), envoyé spécial)
Journaliste au Monde
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